C’est Gisèle Pineau, que j’affectionne, qui ouvre cette année de lecture : Les voyages de Merry Sisal, d’abord, un roman surprenant, moins magique que les autres mais du Pineau quand même ; Cent vies et des poussières, plus décevant tant l’intention est difficile à percer. J’ai enchaîné ensuite plusieurs romans : Les Hirondelles de Kaboul, de Yasmina Khadra, un texte en tension sur l’horreur de la répression politique ; plus reposant, L’Homme aux cercles bleus, un bon cru sans surprise de Fred Vargas ; et pour clore cette série, Cœur tambour de Scholastique Mukasonga, un délicieux conte moderne à déguster sans modération suivi de Desirada, de Maryse Condé, intéressant questionnement à défaut d’être très prenant.
Après cette cure de fiction, j’avais envie de lire des essais. Cela faisait longtemps. J’ai commencé par Le Procès de l’Amérique de Ta-Nehisi Coates avec une préface de Christiane Taubira ; j’ai été déçue que le propos ne dépasse pas l’exemple choisi tant les discriminations à l’encontre des noirs d’Amérique sont insupportables (et sans doute pas limitées à cet objet). En attendant que L’identique et le différent de Françoise Héritier (des entretiens courts, intéressants, parfois difficiles) se libère, j’enchaîne les textes courts : Sur le contrôle de nos vies, de Noam Chomsky où il est question de la toute-puissance des sociétés privées sur l’autodétermination des peuples ; La désobéissance civile de Henry David Thoreau qui fait trop référence à Dieu pour être acceptable ; et le Discours de la servitude volontaire de la Boétie dont je me suis fait plaisir le lire en ancien français (Ah ! Montaigne et ses Essais… quel souvenir !)
Durant l’hiver, j’ai alterné romans et essais : Les lance-flammes d’abord, de Rachel Kushner, un roman surprenant, le genre qu’on ne lâche pas sans trop savoir pourquoi ; Sortie parc, gare d’Ueno de Miri Yu, une très belle écriture épurée pour une histoire difficile ; Notre révolution, de Bernie Sanders, le candidat malheureux à l’investiture démocrate qui donne là une belle leçon d’action politique ; Play boy, de Constance Debré, sans doute le « roman lesbien » le plus émouvant que j’ai lu ces dernières années. Ce furent ensuite le tour du fort dispensable Playdoyer pour le bonheur de Mathieu Ricard dont le totalitarisme n’a d’égal que la parole creuse et enfin Block 46, un polar de Johana Gustawsson, trop gore pour être honnête au point de mériter un billet en Hétéronomie (ici).
Avec le printemps, il fallait un roman délicieux pour savourer le retour de la lumière. L’enfant aux cailloux, de Sophie Loubière a été parfait dans le rôle avant que Mercy, Mary, Patty, de Lola Lafon, qui propose une écriture au « vous » fort déroutante et pas si convaincante même si l’histoire est à connaître. À suivre, Un si beau diplôme ! de Scholastique Mukasonga, peut-être moins magique que ses autres textes bien que tout aussi intéressant, et un surprenant Il vous faudra nous tuer de Natacha Boussa qui nous plonge dans l’histoire sociale récente et, forcément, interroge. À ces romans, s’ajoutent deux essais, Le Roi des cons - Quand la langue française fait mal aux femmes de Florence Montreynaud, une analyse de la langue à ne pas manquer ; et Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit, et sans armes de Srdja Popovic, un livre tout à fait indispensable pour qui veut changer le monde et cherche à comprendre pourquoi cela ne marche pas !
Et voilà l’été qui arrive ; je l’entame avec une série de trois polars de l’Islandais Ragnar Jonasson, Nátt, Snjör et enfin Möork : pour tout dire, ces textes sont mal écrits (mal traduits ?), parsemé d’invraisemblances et de contradictions mais le personnage principal est très attachant et la neige, omniprésente, se révèle indispensable pour supporter ce mois de juillet caniculaire ! Brrrr… Ça caille !
À l’année prochaine !