Les mots et expressions à utiliser.
La nouvelle.
Sylvie regarde, de moins en moins sereine, la femme assise en face d’elle. Elle a une drôle de manière de se tortiller les cheveux comme une menteuse à moins qu’elle ne cherche à transformer une de ses mèches en asticot. Cela laisserait supposer que sa coiffure de directrice artistique peroxydée sortie tout droit de l’écran d’un téléviseur dissimulant mal des cheveux fins comme de la paille recèle des houppes de nature à se mouvoir d’elles-mêmes à force d’être triturées. L’idée fait sourire Sylvie. Elle se ravise sitôt. Elle ne voudrait pas que son interlocutrice la prenne pour un blaireau qui convole au premier clignement d’œil. Avec ses airs de bouchère au sourire de décapsuleur et aux mains d’ébéniste, il ne faut pas qu’elle compte que Sylvie succombe à son numéro d’hôtesse d’accueil prête à tout pour qu’une langue avide lui dissèque le papillon.
« Ai-je une tête d’entomologiste », songea Sylvie qui peinait de plus en plus à se concentrer sur cette conversation entre deux chômeuses qui s’étaient rencontrées à Pôle emploi.
— Vous imaginez, avec mon diplôme d’ingénieure, ils m’ont proposé d’être marchande de glaces. Pourquoi pas responsable du rayon ludique à la Nasa, pendant qu’ils y étaient ?
Sylvie s’en moque. Quand elle l’avait vue au guichet, elle avait eu l’hippocampe en chiffon de comptoir. Voilà pourquoi elle avait sorti son stylo pour lui noter sur un papier son 06, rêvant qu’elle fût kiné ou même vétérinaire histoire qu’elle lui cajole l’écureuil avec le doigté nécessaire. Mais non. Elle était fleuriste et cela faisait longtemps que Sylvie avait abandonné l’idée que son clitoris fût un bourgeon cochon. En soi, ce n’était pas le pire. Par contre, à cette manière qu’elle avait de toujours toucher ses cheveux, tapotant partout en partant du pouce à l’auriculaire en aller-retour, on pouvait se demander si elle ne souffrait pas d’une sorte de syndrome de la Tourette. Y avait-il un médecin généraliste dans la salle ? Une soigneuse de zoo ferait autant l’affaire, au vu de son air de vache aux yeux bleus. Sylvie sourit de sa propre méchanceté, se ravisant à la vue du chat noir qui passa alors dans le champ. Était-ce un vrai ou un chat robot imaginaire ? Sylvie n’avait bu qu’un seul mojito. Elle paria pour un vrai ce qui n’aurait pas été le cas s’il s’était agi d’un rhinocéros blanc du Nord, bien sûr.
— Vous ne m’avez pas dit votre métier ?
— J’étais monitrice de ski. Là, je tente le concours de professeure des écoles.
— C’est beau, l’enseignement ! Chaque enfant est une fleur qu’il faut aider à éclore.
Et poète avec ça ! Sylvie n’aime pas la poésie. Et l’autre qui toujours est en train de se recoiffer ! Quelle comédienne ! Sylvie cherche à présent un moyen de défiler.
— Excusez-moi, Cécyle. Je dois vous laisser. Un souci de serviette hygiénique…
C’était un peu crade mais Sylvie s’en fiche. Elle se lève, sniffe l’air comme s’il sentait la moule (à gaufre) rance, et tend la main.
— Pardon, c’est urgent !
Elle file à l’allure d’un globe-trotter qui serait en retard sur le précédent record. L’autre ne la suit pas. Elle est sauve.