Le pluriel de « aller-retour » et « aller et retour » m’est toujours un souci. Je me souviens de Pascale qui m’aurait expliqué (je mets bien un conditionnel) qu’ « aller-retour » ne prend la marque du pluriel que quand il signifie « gifle » et qu’il reste invariable lorsqu’il s’agit de faire des « aller-retour » ou des « aller et retour » au sens d’aller et venir.
Je trouve d’ailleurs dans Once upon a poulette cette phrase : « Elle fait des aller-retour entre le salon et la cuisine, parfaite petite soubrette, sans omettre de tendre l’oreille afin de ne pas perdre une miette de la conversation. » (1998, p. 196). Par contre, je trouve « allers et retours » au sens de billets de train au pluriel dans Hétéro par-ci, homo par le rat : « Voici donc deux allers et retours pour Amsterdam, capitale internationale du sexe et de la débauche, paradis des hétéros. » (1999, p. 149).
Cela complique un peu les choses et me conforte dans l’idée qu’il est temps que je fixe cette règle du pluriel.
Antidote, d’abord, propose le pluriel ou l’invariabilité, sans expliquer pourquoi, qu’il s’agisse du billet de train ou de la gifle, et sans évoquer le cas de l’aller-retour au sens d’aller et venir. Le Petit Robert, lui, pose clairement le pluriel pour « des allers et retours » à l’instar du Grevisse [§528a] qui indique que « Dans aller et retour, aller-retour, les deux mots logiquement varient » tout en précisant que « les auteurs laissent souvent l’ensemble invariable au plur. » J’en conclus donc que quand il s’agit de la gifle ou du billet de train, il convient plutôt d’appliquer le pluriel « allers-retours » et « allers et retours ».
Par contre, quand il s’agit du fait d’aller et venir, le Grevisse donne une autre piste. Il indique [§520] que « Les mots employés occasionnellement comme noms (…) ne varient pas en nombre habituellement. » Ainsi, « aller » serait plutôt invariable. Mais « retour »… C’est un nom qui accepte le pluriel. J’ai le sentiment pourtant que dans ce cas, « aller-retour » et « aller et retour » doivent rester invariables, car il s’agit d’actions qui se construisent avec le verbe « faire », ce qui est bien différent de la gifle ou du billet de train.
Je me retourne vers Pascale ; c’est plus prudent.
La réponse de Pascale
Je cherche une logique…
Ce que je peux dire pour l’instant, c’est que dans l’orthographe classique, « aller-retour » ne s’est jamais accordé. Voilà pourquoi cela me surprend toujours quand cela l’est, mais comme maintenant on l’accepte sous les deux formes… Je ne sais plus où j’en suis.
La règle de base, c’est que les verbes employés substantivement ne s’accordent pas (« des dire », « des faire »…), mais pour certains, la force de l’habitude fait qu’on les admet accordés. Le problème, c’est que dans « aller et retour », il y a un verbe et un nom. La logique voudrait que l’on écrive « des aller et des retours » ou des « aller-retours », mais visiblement, les grammaires n’ont pas fait ce choix-là.
Je continue donc à creuser la question.
Pour les « allers et retours » dans le sens de gifle qui s’accorderaient, ce n’est pas du tout impossible que je t’aie dit ça, mais je me demande bien d’où je l’ai sorti. Il va aussi falloir que j’élucide ce mystère.
La conclusion provisoire de Cy Jung
En attendant que Pascale résolve ces énigmes, je crois que je vais me fixer sur des « aller et retour » invariable dans le sens d’aller et venir, laissant ma phrase intacte, et conserver l’accord pour la gifle et le billet de train… Et je découvre au passage dans Antidote que « aller-retour » utilisé comme adjectif dans l’usage « des billets aller-retour » est invariable. Je le verse à l’énigme.
La suite de la réponse de Pascale
Prendre « aller-retour » pour un adjectif comme le dit Antidote, ne me convainc pas puisque si c’est un adjectif, il est pour le coup bien difficile de le laisser invariable.
À la réflexion, si « aller-retour » est invariable dans l’orthographe classique, c’est parce qu’il s’agit simplement d’un raccourci pour dire « des billets pour l’ / un aller-retour », de la même façon que tu dirais « j’ai acheté un aller-retour » pour dire « j’ai acheté des billets qui font l’aller-retour ou pour l’aller et le retour ». Le Petit Robert l’explique également ainsi (« billet valable pour l’aller et le retour »), le trait d’union permettant de faire le raccourci.
Et maintenant que j’ai dormi et que j’ai l’esprit un peu plus clair, j’expliquerais de la même manière l’invariabilité des « aller et retour ». C’est-à-dire que là encore, ce serait un raccourci pour dire des billets pour l’aller et le retour.
La conclusion de Cy Jung
Le premier développement de Pascale m’avait portée à laisser invariable « aller et retour » dans le sens d’aller et venir. Je range désormais dans le camp de l’invariabilité des billets de train et des gifles, qu’il s’agisse d’« aller et retour » ou d’« aller-retour ». Et si vous avez des doutes, débrouillez-vous pour utiliser l’expression au singulier !